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Difficultés de recrutement dans le BTP, une problématique insoluble ?

Published 03rd Mai 21 - by Olivier Villeneuve

électricien au travail sur un chantier de construction

 

La mauvaise image des métiers du BTP

L’affaire n’est pas nouvelle et ressemble à un véritable serpent de mer. Un rapport du CREDOC (Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de Vie) de novembre 2005 se penchait déjà sur la problématique des recrutements dans le BTP. Le rapport intitulé : « Orientation et professionnalisation des jeunes dans le secteur du bâtiment » tentait d’apporter un éclairage argumenté sur le manque d’intérêt des jeunes générations pour les métiers de la construction. Secteur pourtant fortement pourvoyeur d’emplois avec environ 8% des offres de recrutements en France tous secteurs confondus. On pouvait notamment lire dans le document de synthèse que :

« Le bâtiment est doté d’une mauvaise image auprès des jeunes : il compte parmi les secteurs professionnels les moins attractifs. Les jeunes formés dans le bâtiment ont souvent été orientés contre leur gré dans ces formations, à cause d’un niveau scolaire jugé trop faible ou d’un comportement perçu comme peu adapté à la scolarisation classique. »

Les raisons de ce désamour sont connues de toutes et tous. Pénibilité, dangerosité, déplacements incessants (et oui les chantiers bougent à la différence des usines), faiblesse des rémunérations, collent à la peau du secteur. En dehors de certaines publicités pour soda le bâtiment n’est pas sexy !

La filière BTP veut renforcer l’attractivité du secteur :

Consciente de cette mauvaise image, la filière a depuis œuvré pour inverser la tendance. Les règles de sécurités ont été fortement renforcées, les rémunérations réévaluées, des améliorations apportées à la pénibilité comme les sacs de ciments qui sont passés de 50kg à 35kg. Le volet formation n’est pas en reste, l’apprentissage a été renforcé et un travail sur l’image a été mené.

En 2015, la situation c’était en apparence amélioré. Nous pouvions alors lire sur le site de la FFB des Bouches du Rhône :

« Aujourd’hui, tous ces efforts ont payé puisque, à l’échelle du département des Bouches-du-Rhône, la Profession a été amenée à construire un 3ème CFA à Arles en 2008, avec une capacité d’accueil de 600 jeunes »

Et un peu plus loin :

« Les jeunes pros du Bâtiment aiment leur métier : 89 % d’entre eux le trouvent « valorisant » ou « très valorisant ». Pour près de 8 jeunes sur 10, le fait de travailler dans le bâtiment relève d’ailleurs d’un choix personnel, une vocation ». Les jeunes interrogés mettent en avant « le sérieux et la fiabilité » de leur activité (78,2 %), ainsi que « l‘autonomie » dont ils disposent (66 %). Presque tous (97 %) ont une bonne opinion des jeunes qui, comme eux, travaillent dans le bâtiment. »

 

2021, la pénurie de main d’œuvre qualifiée dans le BTP

Mais fin avril 2021 c’est la douche froide, le retour officiel des difficultés de recrutement dans le secteur. Le très sérieux Observatoire des métiers de BTP publie son rapport sur les métiers en tension dans les secteurs du bâtiment et des travaux publiques.

Si nous ressortons quelques chiffres marquant de ce rapport nous constatons que 80% des entreprises du secteur peinent à recruter et que 33% des contrats en alternance n’arrivent pas à leurs termes. Le rapport est complet et détaillé métiers par métiers, mais globalement c’est la faible attractivité de ces métiers qui est toujours en cause. Si les jeunes ne souhaitent pas aller travailler sur les chantiers ce n’est pas l’évolution de la formation qui modifiera cette mauvaise image mais probablement le renouvellement technologique des métiers et dans une certaine mesure leur digitalisation.

Le temps est probablement venu de se poser les bonnes questions, est-ce que nos jeunes n’auraient plus l’âme de bâtisseurs ? ou bien est-ce que l’activité bâtiment qui rappelons-le est la seule n’ayant pas encore fait sa mutation digitale et industrielle offre des conditions de travail qui ne sont plus acceptées aujourd’hui ? Déplacements importants, pénibilité toujours présente malgré les améliorations, accidentologie presque deux fois plus élevée que dans l’industrie, et surtout son cortège de disfonctionnements, tout le monde vous dira que dans le bâtiment, cela ne se passe jamais comme prévu et c’est peut-être ce dernier point le plus important, les ancienne générations vivaient pour travailler, les nouvelles générations travaillent mais pour se payer des activité et loisirs en dehors du travail et comme le dit le philosophe André Comte Sponville, « n’auraient il pas raison ? »

La nouvelle donne environnementale du BTP

Tout le monde s’accorde aujourd’hui pour dire que le bâtiment doit se transformer. Les enjeux sont immenses, les constructions de demain devront être décarbonées dans leur mise en œuvre et leurs usages, dans le même temps le « chantier » de la rénovation énergétique du bâti existant voulue par le gouvernement va alimenter le carnet de commandes des entreprises pour de nombreuses années.

La RE 2020 imposera de nouvelles normes et façons de penser la construction. L’utilisation des matériaux biosourcés, bois en tête, va devenir la norme. La mixité des matériaux bois, bêton et acier va complexifier la conception et la réalisation des bâtiments. Pour être vertueuse une construction devra en outre veiller à limiter sa production de déchets pendant la phase de construction mais également anticiper la limitation des déchets quand le bâtiment sera désassemblé (et non plus détruit) en fin de vie.

Cette révolution technologique va conduire à une industrialisation grandissante du secteur intégrant de plus en plus le BIM, le Lean management et la robotique, qu’il faut accompagner par des actions de formations. Nous aurons toujours besoins de nos artisans qualifiés qui pourront valoriser leurs immenses savoir-faire sur des postes à forte valeurs ajoutée.

Il est possible de déporter de nombreuses tâches vers les usines, d’offrir de meilleures conditions de travail, moins de pénibilité, moins de déplacements, plus de confort et surtout grâce aux démarches d’améliorations continues bien connue des industriels d’améliorer nos habitats et lieu public.  

Enfin, il est beaucoup plus simple de former et d’encadrer les ouvriers en usines grâce à l’organisation rationnelle du travail.

De nouveaux métiers vont émerger et de nouvelles façons d’envisager l’acte de construire vont se généraliser. Développer l’offre de formation et accompagner les besoins d’entreprises en pleines mutations est un enjeu crucial.