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La construction hors-site, une réponse à la RE2020

Published 03rd Juin 21 - by Frédérique Josse

Maison positive avec panneaux photovoltaiques

RE2020 : le hors-site peut-il répondre aux enjeux ?

Diminuer l’impact carbone des nouveaux bâtiments, poursuivre l’amélioration de leur performance énergétique et garantir la fraîcheur pendant les épisodes caniculaires. Les objectifs de la RE2020, nouvelle réglementation en matière de construction, sont ambitieux. Et parce que le hors-site répond en partie à ces enjeux, il pourrait tirer son épingle du jeu dans la mue que doit effectuer le bâtiment. Un constructeur et un bureau d’études décortiquent les ressorts de cette transformation.

Enjeu n°1 : diminuer l’impact environnemental du bâtiment

L’avis du bureau d’études : Sébastien Montevil, responsable – associé chez Emenda, bureau d’études techniques spécialisé dans les domaines de la thermique, des fluides et de l’environnement :

« La prise en compte de l’impact en carbone dès la conception permettra de favoriser les modes constructifs alternatifs, type ossature bois ou métallique. Ce que nous voyons émerger, ce sont majoritairement des projets où la construction hors-site est associée à des structures traditionnelles. Le bois, surtout, devrait bénéficier de ces nouvelles normes, face aux objectifs environnementaux très forts de certains ouvrages, comme la société du Grand paris qui demande pour ces projets 70% en matériaux biosourcés, dont 50% en bois ».

L’avis du constructeur : Jean-Christophe Pierron, co-fondateur de Vestack, (Vesta construction technologies), qui conçoit et construit des bâtiments en structure ossature bois :

« Cette nouvelle norme poursuit la dynamique du recours massif aux matériaux biosourcés et l’analyse de cycle de vie, lesquels ont amené de facto à changer la conception et la construction des bâtiments et dans laquelle le modulaire a toute sa place. Mais le hors site pourrait aussi constituer une opportunité pour raisonner en termes de sobriété des matières, en particulier si la hausse du coût des matières premières se poursuit dans le temps. Par sa capacité à réutiliser les matériaux comme les chutes plus facilement que sur un chantier traditionnel, mais aussi à minimiser les rejets, le hors-site peut remplir des objectifs ambitieux de recyclabilité, d’économie circulaire et de limitation des déchets. Cela va dans le sens de la RE2020 quant à la limitation de l’empreinte carbone. »

Enjeu n°2 : limiter les nuisances des chantiers

L’avis du constructeur :

« Le hors site, par son aspect industriel, représente une opportunité unique, car on peut utiliser rapidement les matériaux et éviter les nuisances comme les chutes ou les retards, ce qui là encore va dans le sens de la RE2020. En outre, la mise en œuvre en usine, dans une atmosphère protégée et contrôlée, permet de travailler en toute sécurité des matériaux sensibles à l’humidité, biosourcés ou minéraux. Rien de pire pour les chantiers traditionnels, en termes de conditions de travail pour les ouvriers et en termes de qualité de chantier, que le temps printanier que nous venons de traverser ! ».

L’avis du bureau d’études :  Ildud Perron, directeur technique – associé chez Emenda

« Je pense en effet que ce n’est pas tant le RE2020 que la pénurie de main d’œuvre qualifiée qui va pousser vers le modulaire, dans le but de limiter les interventions sur chantier. Aujourd’hui, avec l’arrivée du BIM et de la 3D, nous allons pouvoir concevoir en amont, et dès la conception, il faudra être dans l’exécution. Cela permettra de garantir une qualité constante. Attention toutefois à la rigidité du modulaire, dans un secteur où il faut sans arrêt s’adapter en cours de chantier… Le diable se cache dans les détails ! ».

Enjeu n°3 : sécuriser la chaine de production, de la conception à la réalisation

L’avis du constructeur :

« La réussite de la RE2020 repose beaucoup sur une meilleure intrication entre la conception et la fabrication. Le hors site a son paradigme propre par rapport au reste de la fabrication. Donc pour lui permettre de se développer, il faut regarder ce que font les autres grandes industries. Je pense notamment à l’automobile et l’aéronautique, avec le ”design to cost”* et le ”design to value”**, mais aussi le ”design for manufactoring and assembly”***. Concrètement, toutes ces méthodes impliquent de s’assurer, dès la conception, de la facilité de réalisation des bâtiments en environnement industriel. Il faudrait ensuite multiplier les appels d’offres en conception construction et former les différents maillons de la chaîne au modulaire, jusqu’aux écoles d’architecture, pour montrer toute la liberté créatrice qu’on peut y déployer ».

L’avis du bureau d’études :

« Il est primordial que ces nouvelles normes fassent évoluer les choses, pour que maîtrises d’œuvres et concepteurs reprennent de l’importance dès le début. La RE2020 est un bel outil, qui permet de se poser davantage de questions en amont et donc de sécuriser toute la filière. Mais il faudra veiller à ce que cela n’amène pas trop de complexité car nous devons construire pour tout le monde ».

 

  • Les leviers à actionner pour développer la filièreSi la RE2020 peut permettre au hors-site de se déployer sur le territoire, quelques obstacles méritent encore d’être levés, notamment au niveau réglementaire, explique Ildud Peron. « Aujourd’hui, la réglementation ne suit pas et constitue un énorme frein, surtout dans l’habitat, où les normes et contraintes, notamment acoustiques et de passage, sont basées sur une construction classique. Il est donc assez complexe de trouver facilement les réponses réglementaires. » En effet, abonde Jean-Christophe Perron, « il serait intéressant que le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) imagine un nouveau corpus normatif propre à ce nouveau mode constructif ». Enfin, conclut Ildud Peron, il convient également de « sécuriser l’approvisionnement des matières premières et d’assurer la compétitivité financière de la filière ».

 

  • Quelles projections et quel horizon pour le modulaire ?Dans les 10 ou 20 prochaines années, les besoins complémentaires du modulaire et de la RE2020 devraient surtout permettre de compléter la construction partielle ou totale du marché résidentiel individuel et collectif, estime Jean-Christophe Pierron. « Sur l’individuel et les lotissements, en concevant avec l’architecte et le promoteur, le modulaire reçoit un très bon accueil de la part des décideurs. Et pour le collectif, jusqu’au R+4 ou R+5, le hors site en ossature bois a une proposition de valeur extrêmement pertinente à apporter ».

* La conception à coût objectif (CCO) consiste à intégrer l’optimisation du coût du produit dès la conception du produit.

** Le design to value est un ensemble de méthodes et d’outils qui allie innovation et optimisation des coûts, dans une démarche prioritairement tournée vers l’utilisateur.

*** Le Design for Manufacturing and Assembly, aussi appelé DfMA, est un ensemble de règles de conception d’un produit permettant de tenir compte des contraintes de production et d’assemblage pour faciliter la conception, dans le but de réduire les coûts et d’améliorer la qualité.

Article par Frédérique Josse