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Quelles compétences pour la rénovation énergétique des bâtiments

Published 17th Jan 22 - by Frédérique Josse

Rénovation énergétique des bâtiments : former plus pour avancer mieux

4,8 millions de foyers sont des passoires énergétiques. Ces logements pèsent lourd sur le portefeuille des Français, le chauffage représentant, selon l’Ademe, 60% des dépenses énergétiques des ménages. Ils contribuent aussi grandement au réchauffement climatique : ¼ des émissions de gaz à effet de serre proviennent du secteur du bâtiment, chiffre le ministère de la transition énergétique. Il est temps d’agir, donc. Mais encore faut-il que suffisamment d’acteurs du secteur soient formés à mettre en œuvre ces transformations d’ampleur. Sébastien Delpont, directeur du Développement Conseil de GreenFlex, revient sur les enjeux de la transition énergétique.

Hors-site Campus: Quels sont les enjeux de la rénovation énergétique, face à l’urgence climatique ?

S.D : 75% des bâtiments de 2050 existent déjà. Oui, la RE20E0 règle la question des 25% de construction neuve. Mais les ¾ du problème correspondent au bâti existant. Le hors-site peut être un levier d’efficacité et de décarbonation pour mieux construire, mais aussi pour mieux rénover l’existant. Nous connaissons tous l’urgence en termes de sobriété, de ressources, de matière.

HSC : Où en est-on aujourd’hui ? Les acteurs du secteur sont-ils prêts ?

S.D : Il n’y a pas de réponse binaire à cette question, certains le sont, d’autres pas encore. De plus en plus de gens se préparent et font, et c’est très bien car c’est en forgeant qu’on devient forgeron. Et c’est en rénovant hors-site qu’on devient rénovateur hors-site. Mais c’est aussi parce qu’il y a des marchés importants qui leur sont liés, notamment pour faire baisser les coûts et améliorer la qualité. Donc il faut que cela se développe, que les acteurs se saisissent du sujet et répondent à des marchés pour passer de la théorie aux travaux pratiques.

HSC : Quelles compétences nécessite la rénovation énergétique des bâtiments ?

Sébastien Delpont : L’idée fondamentale, aujourd’hui, c’est de parvenir à mieux rénover et moins cher, en déployant des produits industriels plus intégrés fabriqués hors site, en utilisant mieux les outils digitaux et en recourant à des approches LEAN. Ce qu’il faut c’est que les travaux soient rapides, avec des hauts niveaux de performance. Cela appelle donc un panel assez large de compétences : architecturales, énergétiques, techniques, mais aussi industrielles et logistiques et bien évidemment d’ingénierie sociale car il faut gérer au mieux la perturbation que représente les travaux. Il y a aussi des compétences juridiques, car il faut parfois passer par des montages juridiques pour passer les marchés avec des clauses de performance qui changent des pratiques habituelles . Pour mieux rénover moins cher, il faut faire les choses en volume, pour optimiser les coûts.

HSC : Qui est chargé de cette transformation aujourd’hui ? Comment on acquiert ces compétences ?

S.D : Aujourd’hui, il n’existe pas de cursus de formation unique et dédié. Il y a des gens qui se regroupent pour travailler ensemble, pour essayer de faire émerger un marché nouveau, qui n’existait pas il y a 4 ans. Cette ambition représente 1% du marché du bâtiment, soit un marché de 300 millions d’euros de travaux. On travaille à faire connaître ce besoin, on réalise des webinaires sur les bonnes pratiques auprès d’entreprises, ce qui nous a amené à travailler avec le Campus Hors-site pour élaborer un cursus et des modules liés à la rénovation hors-site. Il existe aussi des formations très pertinentes organisées par les fédérations ou des centres de formation sur ces sujets. Mais ce qu’il faut, désormais, c’est que les professionnels s’engagent à répondre aux marchés.

HSC : Comment développer ces formations à l’échelle nationale ?

S.D : Ce qu’il faudra c’est structurer les retours d’expérience par professions pour nourrir au mieux formations initiales et continues de ces métiers et de montrer comment activer les bonnes synergies inter-métiers. Le Concours d’Innovation EnergieSprong, révélés lors du salon Bepositive en décembre dernier, ont montré que c’est lorsque le niveau de co-construction étroite entre tous les partenaires était le plus harmonieux entre bureaux d’études, architectes, entreprises travaux et industriels, que les solutions étaient les meilleures. C’est précisément cela que nous prônons : on a besoin de travailler tous ensemble pour trouver des solutions pertinentes, sous ses différents aspects, pour tenir des objectifs de performance élevés amenant à des solutions durables, désirables et abordables.

HSC : La difficulté, c’est donc de réunir tous ces acteurs différents et ces mondes qui parfois se connaissent mal ?

S.D : Exactement. Réussir une rénovation, c’est réunir plein de compétences, de façadier, d’architecte, de mainteneur, d’électricien… Mais pour tenir des objectifs de performance, il ne faut pas juste de brillants solistes, il faut aussi un chef d’orchestre ou un capitaine, garant du schéma de jeu, porteur des engagements de résultats dans le respect des rôles, responsabilité et de la juste rémunération de ses autres partenaires.   Parfois, le maître d’œuvre joue ce rôle d’ensemblier, parfois le mainteneur, parfois l’entreprise de pose ou un industriel hors-site. Peu importe le corps d’état d’origine de ce capitaine, du moment qu’on a un unique porteur de projet qui raccroche tous les wagons. Il y a de la place pour tout le monde dans ce marché en croissance de rénovations lourdes à performance garantie.

HS : Comment fonctionne une rénovation énergétique hors-site techniquement ?

S.D : Si je simplifie, on fait un scan 3D d’un bâtiment pour prendre ses dimensions précises, puis on pré-assemble dans un atelier industriel les éléments qui nous permettent de rhabiller ce bâtiment. Ce sont donc des façades que l’on colle sur un bâti existant, avec des nouvelles portes, des nouvelles fenêtres, de l’isolant. On isole aussi la toiture et on installe un module énergie intégré, pour produire de l’eau chaude sanitaire, chauffer, ventiler, réguler voir rafraîchir. Après, il y a d’autres travaux spécifiques qui nécessitent parfois de gérer l’amiante, de refaire la salle de bain, etc. Ce qu’il faut noter, c’est que le potentiel de baisse de coût est important dans le hors-site, car on peut massifier les process, les faire de manière très performante dans des usines préservées des intempéries et nécessitant, sur site, moins de main d’œuvre (donc étant moins cher). Il faut d’autant plus s’investir dans cette filière que nous allons perdre 30% de nos artisans dans les 10 ans qui arrivent et que celle-ci nous permettra bien plus facilement de développer l’emploi féminin. Le développement de cette approche, en complément des approches artisanales traditionnelles, avec lesquelles elle se complète utilement, sera clé dans notre bataille pour sauver le climat : rénover trois fois plus de bâtiments et de façon trois fois plus ambitieuse.